Professionnels : comprendre les besoins psychosociaux de l’enfant

Professionnels : comprendre les besoins psychosociaux de l’enfant
02.12.2022 Réflexion sur Temps de lecture : 9 min

Comment agir à bon escient compte-tenu de la diversité des enfants, des familles, des besoins, des missions, des contextes, des compétences, des référentiels, etc.  ? Quels sont les principes d’action pour renforcer la santé mentale dans la petite enfance ? Comment répondre de façon appropriée et cohérente aux besoins de chaque enfant ?

Extrait du guide « Promouvoir la santé psychique des enfants de 0 à 4 ans » (2022) écrit par : Viviane Dubath  avec la Commission de prévention et de promotion de la santé du GRSP et le CORAASP, coordination romande des Associations d’Actions pour la Santé Psychique

 

Questionner la cohérence des concepts (représentations) et des pratiques (activités)

Toute vision du monde est un aveu autobiographique. Dites moi comment vous voyez le monde et je vous dirai comment votre existence a construit votre appareil à voir le monde» BORIS CYRULNIK

La cohérence entre la vision et la réalité du bien-être, autrement dit, entre les principes, les lignes directrices et les actions pédagogiques sur le terrain et dans la vie de tous les jours, est un facteur déterminant de la santé mentale. Il s’agit donc de questionner les activités avec et autour de l’enfant afin de veiller à ce que toutes les conditions nécessaires soient effectivement réunies pour permettre à chaque enfant de se développer au mieux sur tous les plans. Elle est fondamentale dans l’environnement éducatif des 0-4 ans.

La posture professionnelle représente le statut (position), la mission (fonction, rôle, tâches), l’expertise métier (techniques, théoriques et pratiques) et les référentiels (vision, valeurs, concepts) qu’une personne incarne dans sa façon d’être, de communiquer et d’agir sur le terrain, dans un contexte particulier, avec les personnes qui composent le microcosme du jeune enfant. La posture des professionnel·le·s de la petite enfance est un facteur déterminant dans les processus de prise de conscience des enjeux et donc des pratiques qui renforcent la santé mentale, dès le début de la vie.

• Les pratiques englobent l’ensemble des activités humaines qui façonnent l’environnement et conditionnent le développement de la santé mentale. Elles reposent sur des valeurs, des expériences, des modèles plus ou moins conscients qui sont autant de représentations enracinées durant l’enfance.

Les connaissances scientifiques actuelles apportent des informations factuelles sur les processus de développement du cerveau humain durant la gestation et la petite enfance. Ces découvertes mettent en lumière l’impact de l’écosystème sur le fœtus en formation et ses capacités naturelles d’adaptation, nécessaires à sa survie dans cet environnement.

Le rôle des professionnel·le·s de la petite enfance consiste à prendre en compte ces informations en réfléchissant aux enseignements qu’il convient d’en tirer par rapport à leurs pratiques et façons de fonctionner dans l’écosystème du jeune enfant.

• La réflexion sur les représentations sous-jacentes aux pratiques, aux postures, aux points de vue sur la réalité, permet de mieux comprendre comment chacune et chacun la perçoit à partir de ses propres expériences personnelles et références d’une part et de l’autre, d’en prendre conscience et d’ajuster la vision à la réalité.

Le développement des compétences psychosociales (CPS) est un enjeu central du développement humain, tout au long de l’existence. Il est au cœur de l’action, dans le concret, le vécu, l’expérience, la pratique sous ses multiples facettes au gré des circonstances. L’acquisition et le déploiement des CPS est un processus permanent d’apprentissages, d’adaptations, d’équilibrages, d’évolutions, d’actions individuelles et communautaires dans la quête du bien-être et de la cohésion sociale. Cependant, la notion de compétences «utiles» se réfère aussi à un ensemble de représentations subjectives et culturelles qui peuvent évoluer suivant les contextes, les circonstances, les nécessités, les expériences, les individus, le moment.

La concertation, la collaboration, les synergies autour du jeune enfant impliquent au préalable de s’entendre et de se comprendre sur le sens des concepts et des actions. Il s’agit d’un processus itératif, dans le but de générer un consensus sur le fait même de se réunir et d’œuvrer ensemble de façon coordonnée et conséquente dans la même direction en respectant les besoins, ressources et limites individuelles.

Les besoins fondamentaux des 0-4 ans comme ligne de conduite et principe d’action

La promotion de la santé mentale dans la petite enfance met l’accent sur les facteurs de bien-être, dans l’environnement immédiat de l’enfant, qui le soutiennent, le renforcent dans ses ressources et l’encouragent dans ses processus d’acquisition des compétences socio-émotionnelles, sensorimotrices, cognitives. La qualité de l’environnement affectif est non seulement indispensable pour le bien-être de l’enfant, mais aussi une condition fondamentale pour permettre au cerveau de se développer dans toutes ses facultés. Celles-ci se forment et se développent déjà au cours de la vie intra-utérine. Sur la base des connaissances dont nous disposons aujourd’hui, pour pouvoir se développer et s’épanouir au mieux, chaque enfant a fondamentalement besoin autour de lui et dans son quotidien :

  • d’amour et de relations fiables et bienveillantes à son égard;
  • de sécurité et de protection de son intégrité physique et psychique;
  • d’un environnement adéquat, sécurisé, sain et stimulant ; «Toute vision du monde est un aveu autobiographique.
  • d’activités sollicitant le développement en respectant son rythme et ses intérêts ;
  • de structures, de repères, de cadres contenants et de limites qui ont du sens ;
  • d’aide pour comprendre le monde et ce qui se passe pour et autour de lui;
  • d’être intégré, inclus et accepté dans une communauté stable et stimulante;
  • d’avoir un avenir sûr et d’être accompagné dans ses expériences et transitions.

L’approche du développement de la santé mentale du jeune enfant implique donc aussi un questionnement sur les représentations culturelles sous-jacentes aux pratiques en matière de soin, d’accueil, d’éducation, d’action sociale communautaire. Les conceptions éducatives et les pratiques qui en découlent varient d’un individu à l’autre, évoluent dans le temps et suivant les circonstances, le contexte socioculturel, économique, géographique et politique. Le fait de s’intéresser à la santé mentale du jeune enfant met l’accent sur les besoins psychosociaux des enfants en bas âge.

Questionner les représentations éducatives permet d’expliciter les besoins fondamentaux de l’être humain qui demandent à être satisfaits pour poser les bases d’une bonne santé mentale tout au long de la vie.
Qu’est-ce qui permet le développement de l’enfant ?
De quoi a-t-il besoin pour grandir?
Quelles sont les pratiques qui le soutiennent et le renforcent dans santé mentale?
Comment poser dès le départ, des bases solides de la confiance, de l’estime de soi, de l’empathie et de sa participation?

Connaître et comprendre les besoins psychosociaux du jeune enfant

L’approche par les compétences psychosociales permet d’examiner la notion des besoins sous ses diverses facettes et ainsi de prendre en considération l’enfant en tant que sujet acteur et compétent, dans sa niche de développement. Il en va de même pour tous les adultes – eux aussi ont été des tout-petits – qui ont bénéficié d’une éducation, de modèles, de valeurs qui sont autant de représentations sur l’enfant, son développement, ce qu’il est ou devrait être… Les contextes d’activité, les missions, les conditions de travail, les pratiques, les situations sont multiples.

La diversité est une des nombreuses composantes qui façonnent la réalité du terrain, le décor, la mission, le positionnement, le rôle et les tâches qui en découlent pour les personnes actives dans les champs de la petite enfance. Les connaissances scientifiques et empiriques mettent en évidence les besoins vitaux (physiologiques, psychoaffectifs, cognitifs, spirituels) essentiels et universels de l’être humain. Toutefois, chaque individu est unique avec ses propres caractéristiques et donc des besoins spécifiques. Ceux-ci évoluent en fonction d’un ensemble de paramètres subjectifs (inhérents à l’individu) et objectifs (circonstances externes à l’individu).

(…)

Répondre de façon appropriée et cohérente aux besoins de chaque enfant

 La diversité est un risque… mais surtout une chance» THOMAS JAUN

La réalité du terrain est plurielle, hétéroclite, mouvementée, complexe, morcelée. Elle reflète la diversité des enfants, des familles, des besoins, des missions, des contextes, des compétences, des référentiels, etc. La diversité se manifeste sous toutes ses formes sur tous les plans, aussi dans les professions de la petite enfance. La brochure thématique «Eloge de la diversité» approfondit le Cadre d’orientation en apportant un éclairage à partir des réalités avec lesquelles les milieux de l’accueil et de l’éducation doivent composer, s’adapter pour résoudre des équations complexes.

Ce sont autant de points de vue individuels qui interfèrent les uns avec les autres avec des compréhensions parfois congruentes et similaires, mais parfois divergentes d’une même situation, d’un même besoin ou d’un même événement. Au-delà des aspects matériels, logistiques, organisationnels ou concrets, toutes les pratiques visent le même but : le meilleur développement possible de l’enfant.

« Dans la réalité cependant, force est de constater que «la perspective des enfants est généralement reléguée au second plan, ce qui fait obstacle à un travail de qualité »

Si l’on connaît de mieux en mieux les déterminants de la santé mentale, notamment les facteurs objectifs (cadre de vie, alimentation, soins corporels, etc.) qui l’influencent dans la toute prime enfance, les notions de «besoins» et de «bienêtre» dépendent aussi des perceptions et représentations que chaque adulte s’en fait à partir de sa propre expérience personnelle et compréhension de la réalité.

Il s’agit par conséquent de conscientiser la fonction des représentations, valeurs, croyances et de les reconnaître pour ce qu’elles sont : une lecture de la réalité qui incite à réfléchir au sens qu’on lui donne, les mots utilisés pour la désigner, en vérifiant avec l’enfant ce qu’il perçoit lui, de cette réalité. Quand ces informations ont du sens pour l’enfant là où il est, les effets sont manifestes : il ressent des émotions positives, se sent apaisé, stimulé et confiant.

A l’inverse, les incohérences entre les intentions, les propos, les actes génèrent des perturbations qui vont l’obliger à mobiliser ses ressources pour s’adapter et se conformer aux représentations des adultes dont il dépend pour satisfaire ses besoins vitaux.


Pour lire l’ensemble du guide « Promouvoir la santé psychique des enfants de 0 à 4 ans » (2022) écrit par : Viviane Dubath  avec la Commission de prévention et de promotion de la santé du GRSP et le CORAASP, coordination romande des Associations d’Actions pour la Santé Psychique :
https://www.santepsy.ch/media/document/0/1.-santepsy_cahier_digital_def.pdf

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