L’enfant et la nature : recréer du lien

L’enfant et la nature : recréer du lien
28.02.2023 Expériences et initiatives Temps de lecture : 7 min

Le bienfait de vivre en contact avec la nature n’est plus à prouver. Recréer du lien pour et avec l’enfant est aujourd’hui primordial. Crèches, accueils de loisirs, écoles… toutes les structures doivent inscrire dans leur projet la mise en œuvre d’une évidence : l’enfant a besoin du lien avec le Vivant pour grandir.

La 18ème Journée d’Etude Enfance & Handicap de l’association Une Souris Verte fut consacrée à l’Enfant et la Nature. Intervenants et participant ont exploré les bienfaits de la nature dans le développement de tous les enfants et son rôle pour un accueil inclusif de qualité.

Les enfants vivent désormais coupés de la nature. Le bienfait de vivre en contact avec la nature n’est plus à prouver. Recréer du lien pour et avec l’enfant est aujourd’hui primordial.

Crèches, accueils de loisirs, écoles… toutes les structures doivent inscrire dans leur projet la mise en œuvre d’une évidence : l’enfant a besoin du lien avec le Vivant pour grandir.

Pour rappel

Vivre en lien avec la nature est :

un droit
La charte nationale d’accueil du jeune enfant rappelle que « le contact réel avec la nature est essentiel » au développement de l’enfant. L’article 29 de la Convention Internationale des Droits de l’Enfant indique que « l’éducation doit inculquer à l’enfant le respect du milieu naturel »

une priorité de santé globale
Le rapport à la nature est essentiel pour tous les enfants, comme l’indique l’OMS. Le Conseil des Droits de l’Homme des Nations Unies a reconnu comme un droit humain le droit à un environnement sain… (Résolutions 48/13 et 48/14)

une prescription de l’Etat 
Cette volonté s’exprime dans plusieurs textes : le Charte nationale d’accueil du jeune enfant, le rapport Marinopoulos, le Rapport 2020 des mille premiers jours (2020), l’ordonnance du 19 mai 2021… Le « naturel » est aussi mentionné dans l’arrêté du 31 août 2021 par rapport aux normes du bâtiment.

une prescription des pédagogues et des scientifiques
Depuis des siècles (JJ Rousseau, Maria Montessori, Emmi Pikler, …) : la nature fait du bien pour la santé mentale, pour la construction de soi, pour la santé physique.

Cela démontre que recréer du lien à la nature est un mouvement de fond reconnu et n’est pas un effet de mode. Collectivités, professionnels de l’enfance, enseignants… sont ouverts et ont envie de développer la réflexion et des actions concrètes de mise en œuvre.

Un constat : les enfants vivent désormais coupés de la nature

Le bienfait de vivre en contact avec la nature n’est aujourd’hui plus à prouver. On constate cependant une régression dans les liens avec éléments naturels ces 10 (ou 20 ?) dernières années. Il ne s’agit pas de revenir « en arrière », mais de trouver comment offrir du contact avec les éléments naturels aux enfants.

Certaines études démontrent que les enfants sont de plus en plus coupés de la nature. Quelques exemples :

  • Une étude de 2004 indique que les enfants sortent deux fois moins dehors que leur parent au même âge.
  • Le temps passé dehors est en moyenne de 12 minutes, contre 2 à 3 heures recommandées. 4 enfants sur 10 ne jouent pas en plein air pendant la semaine (enfants de 3 à 10 ans).
  • Les études sur les temps passés devant les écrans et la sédentarité montrent que ces temps ne cessent d’augmenter. On a constaté une régression depuis 20 ans, et pour partie la période de confinement a permis de reprendre conscience de cette coupure avec l’environnement.
  • Les enfants ont beaucoup souffert du confinement, certains enfants en situation de handicap aussi. Les effets sont démontrés depuis 2012 (Education nationale) sur les troubles de l’attention, les troubles du comportement…

Il n’est pas sûr à ce jour que l’on puisse faire machine arrière. On ne sait pas si l’on parviendra à recréer le lien entre les enfants et la nature, ou plus exactement « le Vivant », tant ils en ont été coupés. Professionnels, parents et structures petite enfance et enfance ont donc une responsabilité forte à retravailler sur ce sujet.

Les bienfaits de la nature

En quoi la nature fait du bien aux enfants ? Passer du temps dehors :

  • entraîne une réduction du stress,
  • favorise l’estime de soi, la motivation la coopération, le développement moteur, l’autorégulation et la concentration
  • réduit le bruit, les disputes, les conflits de territoire
  • développe l’empathie, les interactions, l’esprit de coopération et d’entraide entre enfants
  • stimule l’envie de s’intéresser, s’occuper, bouger…

L’environnement extérieur permet une qualité de relation entre l’adulte et l’enfant. Les professionnels témoignent qu’ils ont plus de temps pour observer les enfants.

Les bénéfices sont notamment très marqués pour les enfants qui ont des besoins spécifiques.

Ces bienfaits sont corrélés à 4 facteurs :

  1. L’inattendu : en intérieur tout est normalisé : la température, les espaces… Dehors tout est impermanent et en mouvement. L’enfant rencontre donc l’inattendu.  Lorsque l’on est en vie, c’est avoir envie de rencontrer l’inconnu.  Selon certains psychologues écologiques, l’amour pour la nature est innée chez tout être et répond à un besoin de survie. On l’appelle la biophilie. L’accompagnement de l’adulte permet de soutenir l’enfant dans ses découvertes. La posture de l’adulte qui ouvre les portes est très importante.
  2. Le risque :  Les professionnels voudraient éviter les obstacles, les risques aux enfants. Mais rencontrer obstacles et risques est important pour la construction de l’enfant. Ce dernier testera les limites, sa force, ira chercher les réponses à ses capacités… Cela stimule la créativité, l’activité motrice…. Le travail des professionnels est d’accompagner et évaluer les risques.
  3. Les possibles : Le psychologue américain James Gibson a travaillé sur la notion de perception et d’affordance. Un objet conçu par l’Homme envoie un message quant à son utilité, il conçu pour une utilité donnée. Dehors les éléments n’entrainent pas un message d’utilité et d’objectif. C’est l’enfant qui va donner du sens à un bâton, des marrons, des cailloux. Extrait du livre Transformer le handicap (Anne Lyse Chabert, 2017) : la notion d’affordance (James Gibson, 1977, 1986)
  4. L’accomplissement personnel : l’enfant a un immense plaisir à aller dehors car il peut expérimenter, ressentir, faire aboutir ses questionnements. L’enfant est acteur de ses expériences et découvertes. Il expérimente la réussite lorsqu’il agit seul ou en coopération. En intérieur, l’enfant a moins de possibilités d’être acteur de ses découvertes.

 

Vivre dehors, les freins…

Il existe des freins réglementaires, culturels, techniques.

Les freins culturels ont conditionné nos usages et habitudes. Cela comprend notamment notre rapport à la question des risques. La question du risque zéro et de la protection des enfants est encore prédominante. S’il y a des risques à jouer dehors, il faut aussi identifier les bénéfices. Risques et bénéfices ont à mettre en balance…

La terminologie courante est symptomatique de notre représentation du rapport à la nature… « Tu t’es encore sali » lorsque l’enfant a de la terre sur ces vêtements, « il fait un sale temps quand il pleut », « On se traine par terre », « On est foutu dehors »… Le sol est empreint de représentations négatives. Il faut travailler à changer le vocabulaire pour regarder autrement ce qui nous entoure….

De plus dans la culture professionnelle il faut interroger notre rapport à la corporalité de l’enfant. Parents et professionnels vivent mal une blessure, une salissure. Une petite blessure, le « bobo » fait partie de l’apprentissage de la vie (sans notion de danger).

Alors comment faire ? Une recette, des trucs et astuces… consultez notre article « Recréer du lien avec la nature »


Avec Gillian CANTE, Moïna FAUCHIER DELAVIGNE et l’ensemble des intervenants à la Journée d’étude Enfance & handicap, organisée par l’association Une Souris Verte (Lyon, 2022)

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