Les comportements-défis

Les comportements-défis
02.12.2022 Expériences et initiatives Temps de lecture : 7 min

Lucie ALEX, psychologue à l’unité d’Accompagnement des familles du Pôle Hospitalo-Universitaire A.D.I.S du centre hospitalier Le Vinatier (Rhône) répond aux questions d’Enfant-différent sur les « comportements- défis »

S’ils sont liés à la vulnérabilité de la personne, les comportements-défis sont également dépendant de leur contexte d’apparition. La capacité d’adaptation de l’environnement va donc jouer un rôle déterminant dans l’apparition, l’augmentation mais également la réduction des comportements-défis

Comment définit-on les « comportements-défis » ?

Les « comportements défis » sont également appelés « troubles du comportement » ou encore « comportements-problèmes ».
Tous ces termes désignent des comportements « inadaptés » au contexte dans lequel ils surviennent.
Les « comportements-défis » sont décrits par Eric Emerson comme des :  « comportements d’une intensité, fréquence ou durée telle que la sécurité physique de la personne ou d’autrui, est probablement mise sérieusement en danger, ou bien comme des comportements susceptibles de limiter ou d’empêcher l’accès et l’utilisation des services ordinaires de la cité ».
EMERSON, E. Challenging behavior, analysis and intervention in people with severe behavior problems. Cambridge: University press, 2001, p. 3.

Même si actuellement il n’existe pas de définition officielle des comportements-défis, on peut tout de même les décrire par catégorie et partager des exemples :

  • L’automutilation ou auto-agressivité: se mordre, s’arracher les cheveux, se frapper la tête, se mettre le doigt dans les orifices, etc.
  • L’hétéro-agressivité : taper, pousser, donner des coups de poings, de pieds, des claques, tirer les cheveux, etc.
  • Des conduites d’autostimulation -stéréotypies verbales et motrices- envahissantes : se balancer, agiter une ficelle, répéter les mêmes mots, faire du bruit de manière incessante, arpenter constamment les espaces, faire des mouvements des mains, etc.
  • Destruction de l’environnement matériel : jeter et casser des objets, déchirer les vêtements, casser les vitres, de la vaisselle, renverser des meubles, etc.  
  • Conduites sociales inadaptées, nuisances : crier, fuguer, se déshabiller en public, s’enfuir, s’opposer de manière permanente, inhibition ou désinhibition massive, etc.
  • Troubles de l’alimentation : hyper sélectivité, l’ingestion impulsive et récurrente de substances non comestibles, syndrôme de PICA, obsessions alimentaires, vomissements, recherche permanente de nourriture, potomanie (besoin irrépressible de boire de l’eau), etc.

Ces comportements ont des conséquences sur la vie de la personne et de son entourage. Ils impactent la vie quotidienne de la famille et souvent l’accès aux relations sociales. Ils sont souvent très impressionnants et inquiétants pour l’entourage de la personne. Certaines conduites répétées sont difficiles à comprendre ou à accepter.

Mêmes si les troubles du développement intellectuel sont souvent associés à des comportements-défis, cette association n’est pas systématique.

Que faire face à ces comportements-défis ? Que recommande la Haute Autorité de Santé ?

La Haute Autorité de Santé (HAS) préconise une analyse fonctionnelle des comportements défis, c’est-à-dire de repérer dans quels contextes ces comportements se manifestent, à quels moments de la journée, mais aussi d’observer ce qui se passe avant et après le comportement-défi.
Il est recommandé également de réaliser des bilans pluridisciplinaires : psychologiques neuropsychologiques, en psychomotricité, en ergothérapie et en orthophonie afin d’évaluer les compétences et la communication de la personne. Celle-ci aura peut-être besoin d’adaptations multiples dans son environnement pour améliorer son autonomie quotidienne.
Il s’agit de se former à repérer le contexte « favorisant » un comportement défis et les réactions que le comportement problème induit chez l’entourage.

Par exemple, un enfant qui casse ses lunettes à répétitions : on peut se questionner sur l’éventualité qu’il ait des migraines …ou qu’il soit intéressé par la sucette que lui donne l’opticien à chaque visite pour réparer les lunettes ?

Le comportement-défi est en fait un message que nous avons à décrypter, analyser, traduire et ça c’est un véritable défi !
Bien qu’ils soient très difficiles à comprendre, les comportements-défis sont avant tout un message que la personne nous adresse, pour exprimer sa souffrance, qu’elle soit physique, sensorielle, émotionnelle ou psychologique.

Quelques exemples

Comportement-défi et douleur
Face à un comportement-défi, la première piste à écarter est celle de la douleur. En effet,
Il a été démontré que de nombreux comportements défis sont induits par des douleurs majeures non détectées et difficilement communicables pour une personne avec des troubles du neuro-développement et de la communication.
Le dr Arnaud Sourty, médecin spécialisé dans la prise en charge de la douleur, propose des formations au repérage de la douleur chez les personnes avec un trouble du développement intellectuel ou un polyhandicap, au Centre de Ressources Autisme Rhône-Alpes.

Le Réseau Lucioles a également contribué au développement d’outils de repérage de la douleur 
https://www.reseau-lucioles.org/sante/douleur/

Comportement-défi et communication chez les tout-petits
Certains comportements-défis peuvent s’exprimer dès le plus jeune âge, compte tenu parfois du développement particulier de l’enfant. L’installation d’un comportement défi pourrait être majorée par certains retards d’accès au langage ou d’accès à d’autres supports de communication.
Ainsi, pour prévenir l’installation de comportements défis, il est nécessaire de proposer des outils de communication alternative ou de communication alternative augmentée (CAA) pour que l’enfant puisse faire comprendre ses besoins, ses inconforts ou ses douleurs d’une manière adaptée et éviter que se mette en place un comportement-défi, pour exprimer son mal-être ou ses angoisses aux adultes.

Des cris pour exprimer son besoin de repos
Un enfant avec une certaine dépendance, soit pour se déplacer ou pour avoir des initiatives seul pour ses déplacements hurle pendant 1h quand il rentre de l’école le soir. Ses parents font différentes tentatives pour le calmer, puis s’énervent et l’envoient dans sa chambre pour se calmer. Peut-être que ces cris signifient que l’enfant est très fatigué par sa journée d’école, ou qu’il a déjà fait beaucoup d’efforts pour supporter la collectivité qui l’a saturé au niveau sensoriel. Il peut avoir besoin qu’on lui propose d’aller dans sa chambre plus rapidement en rentrant à la maison (avant d’avoir à crier intensément), comme pour faire une « pause sensorielle », et retrouver un environnement paisible qu’il aime beaucoup avec ses jouets, sa déco, son doudou…   

Lorsqu’un parent, un médecin ou des professionnels de la petite enfance observent ces troubles chez un enfant, ils peuvent se tourner vers le médecin pédiatre de l’enfant. Si l’enfant a déjà un diagnostic, il est possible de demander un rendez-vous au service hospitalier de pédopsychiatrie du secteur dont dépend l’enfant, ou d’adresser une demande de consultations au service spécialisé pour les comportements défis pour approfondir les recherches de supports ou bilans.

Que propose votre structure ?

Au pôle HU-ADIS, transmettre qu’il est possible de chercher des solutions adaptées face à l’épuisement des familles, fait partie de mon travail quotidien. Quand on cherche à leur donner du sens, les comportements défis sont réversibles. Nous aidons les familles à élaborer des stratégies de prévention, pour construire du répit au quotidien. Nous proposons également de l’éducation thérapeutique aux familles, afin de leur permettre de poser leurs questions et partager leurs inquiétudes. Le travail en équipe pluridisciplinaire et entre institutions est nécessaire, car la personne avec une autonomie réduite évolue dans différents lieux tous les jours. Ce travail consiste à rassembler nos différents points de vue pour déjouer les comportements-défis qui se sont installés et comprendre les demandes que la personne exprime.

Pour être déconstruits les comportements-défis ont besoin de toute la créativité de l’entourage et la personne concernée.

Pour en savoir plus sur le pôle HU-ADIS au Centre Hospitalier le VINATIER :
http://www.ch-le-vinatier.fr/annuaires/poles-et-services-535/pole-hospitalo-universitaire-adis-25?cHash=c5a02ebf26b61450071ad7e86ebacc3f.html

et le parcours de soins :
http://www.ch-le-vinatier.fr/documents/Images/Parcours_soin.pdf

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