Vous avez dit « situation de handicap » ?

Vous avez dit « situation de handicap » ?
17.09.2020 Réflexion sur Temps de lecture : 6 min

Extrait de la fiche Interreg-I said, élaborée avec le soutien du Fonds Européen de Développement Régional

La recherche participative d’ISAID s’appuie sur un modèle du handicap appelé « Processus de Production du Handicap » (PPH). Elaboré par une équipe canadienne, le PPH a aussi inspiré l’Organisation des Nations Unies pour mettre au point une approche du handicap fondée sur droits de l’homme qui a trouvé son aboutissement dans la convention relative au droit des personnes handicapées (CDIPH).  Les principes généraux de cette convention ont servi de guide au projet ISAID.

En tant que modèle, le PPH est particulièrement adapté à la mise en œuvre de travaux de recherche qui portent sur le handicap, mais aussi à l’élaboration de politiques publiques et de pratiques sociales compatibles avec les grandes orientations de la convention relative au droit des personnes handicapées.

De quoi parle-t-on ?

La situation de handicap correspond « à une limitation des habitudes de vie d’un individu découlant d’une interaction entre des facteurs personnels et les facteurs environnementaux agissant comme des facilitations ou des obstacles » (Fougeyrollas, 1998). Parler de « situation de handicap » signifie, qu’on situe l’origine du handicap dans l’interaction entre la personne et son environnement.

Cette terminologie est apparue avec les nouvelles conceptions du handicap, et l’émergence du modèle « Processus de Production du Handicap » (PPH). Avant cela, d’autres modèles avaient été proposés pour tenter de répondre à la question de l’origine du handicap.

Un modèle, pour quoi faire ?

On a parfois tendance à considérer que les modèles sont des outils abstraits, déconnectés de la réalité, élaborés par les spécialistes pour les spécialistes. En vérité, un modèle est une représentation simplifiée d’une réalité ou d’un phénomène qu’on cherche à expliquer. Il est utilisé comme outil pour décrire et analyser cette réalité. Il est aussi amené à évoluer ou à être remplacé en fonction de l’évolution des connaissances.

L’origine du handicap est-elle à rechercher chez la personne ?

Le modèle individuel du handicap

Élaboré par l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS), ce modèle a fortement influencé la façon de penser le handicap, sur le plan scientifique, ainsi que dans les domaines politiques et sociaux. Il définit le handicap par le désavantage social subi par une personne, du fait de ses déficiences et incapacités. Il prend en compte trois dimensions :

  1. La dimension lésionnelle du handicap : l’origine du handicap est recherchée dans la ou les déficiences de la personne. La déficience touche le corps ou les fonctions physiologiques.
    Exemples : personne avec une déficience motrice, comme la paraplégie / personne avec un trouble du neurodéveloppement.
  2. La dimension fonctionnelle du handicap : la déficience entraîne des incapacités, des limitations d’activité de la personne. Ces limitations peuvent faire l’objet de rééducations et/ou de programmes d’apprentissage.
    Exemples : la personne paraplégique ne peut pas marcher / la personne avec une déficience intellectuelle a des difficultés de langage, de compréhension des situations sociales, etc.
  3. La dimension sociale du handicap : le désavantage résulte des déficiences et des incapacités. Comparativement aux personnes de même âge et de même culture, la personne handicapée n’est pas en mesure d’accomplir certains rôles sociaux considérés comme « normaux » par la société.
    Exemples : les personnes avec une déficience motrice ou intellectuelle font face à des désavantages dans leur vie quotidienne, comme les déplacements, l’accès à l’emploi, aux loisirs etc.

L’origine du handicap est-elle à rechercher dans l’environnement ?

Le modèle social du handicap

Ce modèle a vu le jour sous l’influence de mouvements de personnes en situation de handicap, en opposition au modèle individuel développé par l’OMS. C’est l’environnement qui « produit » du handicap, par l’ensemble des barrières physiques et sociales qui font obstacle à la participation des personnes dans la société.

Exemples : les désavantages sociaux rencontrés par les personnes avec une déficience intellectuelle s’expliquent par la complexité de l’environnement dans lequel elles évoluent. Ceux rencontrés par les personnes déficientes motrices s’expliquent par le manque d’accessibilité de l’environnement.

Pour répondre à ces problèmes, il faut identifier les obstacles environnementaux, afin de réduire ou supprimer leurs effets Exemples : Utiliser le Facile à Lire et à Comprendre. Rendre accessible les moyens de transport en commun. Les obstacles sociaux (stéréotypes, préjugés, discriminations) sont les principaux obstacles rencontrés par les personnes, quel que soit leur handicap. Leurs effets sont délétères.

Et si le handicap caractérisait la situation ?

Le modèle « Processus de production du handicap » ou « PPH »

Plutôt que d’opposer les facteurs individuels et les facteurs environnementaux, le PPH les regroupe en un modèle unique. Ce modèle a été élaboré par une équipe de chercheurs canadienne, afin de regrouper les facteurs individuels et les facteurs environnementaux.

Les principes du PPH ont servi de fondement à l’approche proposée par l’ONU  pour la Convention relative aux droits des personnes handicapées (CDPH, ONU, 2006).

Selon ce modèle, la situation de handicap résulte de l’interaction entre une personne (facteurs personnels), qui a ses ressources et ses limitations, et un environnement (facteurs environnementaux), qui comporte lui-même des éléments facilitateurs et des obstacles.

Elle ne caractérise pas plus la personne (modèle individuel) que l’environnement (modèle social), elle définit les propriétés d’une situation dans laquelle les deux sont en interaction.En tant que modèle, le PPH est particulièrement adapté à la mise en oeuvre de recherches sur le handicap, mais aussi à l’élaboration de politiques publiques et de pratiques sociales.

Définition du handicap de la CDPH, en accord avec le modèle PPH : « le handicap résulte de  l’interaction entre des personnes présentant des incapacités et les barrières comportementales et environnementales qui font obstacle à leur pleine et effective participation à la société sur la base de l’égalité avec les autres » (CDPH, ONU, 2006).

Comment donc agit sur la « situation de handicap » selon les principes du PPH ?

Conclusion

Le PPH permet de mieux cerner l’origine du handicap en la détachant de l’individu pour la situer dans l’interaction entre la personne et ses milieux de vie. Simple à comprendre, sa mise en application se heurte cependant aux représentations sociales du handicap. N’avons-nous pas tendance à accorder un poids important aux facteurs individuels et à sous-estimer l’impact des facteurs environnementaux ?

Les contributeurs

Rendu possible par les participants du projet I SAID, Mené sous la direction de Marie-Claire Haelewyck (UMONS) & Yannick Courbois (ULille) ; Écrit par Yannick Courbois (ULille) ; Relu par Jean-Luc Deleplace (Papillons Blancs de Roubaix-Tourcoing), Camille Lombart, Marine Ballé (ULille) & Valentine Malou (UMONS) ; Vulgarisé par Camille Col & Manon Allain (Eurasanté) ; Mis en page par Lucie Randoux (Eurasanté)
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