Professionnels : accompagner l’annonce d’un diagnostic

Professionnels : accompagner l’annonce d’un diagnostic
05.05.2023 Trucs et astuces Temps de lecture : 14 min

Extrait d’un livret est destiné aux professionnels qui rencontrent et accompagnent des personnes en situation de handicap et leurs familles, publié par la Plateforme Annonce Handicap.

Ce livret et le site PAH proposent d’aborder concrètement l’annonce du diagnostic en quatre étapes chronologiques : avant l’annonce, au moment de l’annonce, en fin de rencontre,après celle-ci. A chacune de ces étapes, des questions sont posées afin de permettre aux professionnels de réfléchir méthodiquement et de cerner au mieux la situation à laquelle ils pourraient être confrontés. A ces questions répondront aussi des réflexions et des témoignages de professionnels, de patients et de parents, réflexions qui vous permettront d’améliorer vos connaissances et votre compréhension des enjeux.

Qui dois-je rencontrer ?

L’environnement du patient et de sa famille

Le contexte familial, socio-économique et culturel du patient aura une influence sur la manière dont sera vécue l’annonce.

Sans entrer dans des investigations intrusives auprès des parents, vous pouvez dresser un premier portrait de vos interlocuteurs sur base des informations collectées. lors des consultations précédentes. Vous pouvez aussi contacter le médecin de famille ou le collègue qui vous les a adressés.

Les questions suivantes peuvent être posées aux parents :

  • Quelle est leur situation familiale, quels sont leurs réseau et ressources de soutien ?
  • Quelle est leur situation socio-économique ?
  • Que connaissez-vous des spécificités culturelles, ethniques, religieuses ou philosophiques de la famille ?

De même, si vous êtes en relation avec une famille d’origine étrangère qui ne maitrise pas bien la langue française, il convient de prévoir un interprète. Si ce n’est pas possible, vous pouvez rechercher avec eux un proche capable d’assurer une bonne traduction.

Une bonne connaissance de vos interlocuteurs sera un facteur déterminant pour une annonce adaptée à la situation.

Qui doit être présent ?

Si, en toute logique, l’annonce se fait au patient et à ses parents, il existe un grand nombre de situations qui rendent difficile la présence de tous les acteurs lors du diagnostic : famille monoparentale, indisponibilité ou absence d’un des deux conjoints (p.ex. lors d’une échographie durant la grossesse). Plusieurs études insistent sur la nécessité que le diagnostic soit exposé aux deux parents en même temps. Cela permet d’éviter à celui  » qui sait  » le traumatisme supplémentaire de transmettre à son conjoint la mauvaise nouvelle.

Par ailleurs, la compréhension d’un discours varie toujours en fonction de l’auditeur. L’écoute conjointe d’un même message permet ainsi que l’information entendue puisse être recoupée par l’un et par l’autre. Dans le cas d’une situation monoparentale, il faut veiller à ce que le parent soit accompagné par un proche de son choix, pour cette même raison de compréhension partagée mais aussi pour qu’il puisse en outre bénéficier du soutien moral d’une personne intime.

L'enfant doit-il être présent ?

Dans le cadre de l’annonce d’une déficience d’un enfant, la question de savoir si sa présence est requise, est souvent posée. La probabilité d’une réaction très vive des parents au moment de l’annonce est un facteur à prendre en compte. Faut-il que l’enfant, même nourrisson, vive et ressente la détresse de ses parents?

A contrario, son absence risque de « déshumaniser » l’annonce. L’enfant devient alors un « objet » dont on parle mais qui n’est plus considéré comme sujet, renforçant le risque bien réel de dépersonnalisation de l’enfant, de la réduction de son Être à sa seule pathologie.

Sa présence est donc non seulement souhaitable mais en outre le moment de l’annonce peut être l’occasion de l’humaniser en s’ adressant directement à lui, même s’il est encore nourrisson.

Le pédiatre, tout en nous révélant le handicap, a su accepter ma colère, mon rejet. ll est resté auprès de nous, s'est adressé à l'enfant par son prénom, la pris dans ses bras. Puis, il est revenu et nous a montré ce que notre bébé était capable de faire.

Un parent

Dans le cas d'un nourrisson ou d'un enfant dans le coma, je n'annonce pas de mauvaises nouvelles en sa présence. Si dans les autres situations, je veille toujours à ce qu'il soit présent, je propose aussi de revoir les parents seuls dans un second temps, pour qu'ils puissent poser les questions qu'ils ne voudraient pas aborder devant lui.

Dr Dan

À quelles réactions émotionnelles serai-je peut-être confronté ?

Avoir connaissance des réactions émotionnelles et comprendre les comportements possibles du patient ou de ses proches sont des éléments essentiels pour permettre à la relation de bien s’établir.

L'effet de l'annonce

L’instant de l’annonce d’un diagnostic de déficience provoque de manière très fréquente, une réaction psychologique irrépressible et naturelle que l’on appelle une sidération.

Dès que le nom de la déficience est posé ou dès que l’idée d’un important problème de santé est énoncée, les personnes deviennent incapables d’entendre la suite des explications, tant à la fois le choc est violent et tétanise l’esprit, et tant les questions se bousculent de manière désordonnée dans leur tête. Tous les témoignages parlent de l’annonce en termes de  » bombe », « séisme », « tsunami », « trou noir »,  » fin du monde »…

Etendue du champ émotionnel

Les émotions et les sentiments éprouvés à l’annonce de déficience sont nombreux et varient en fonction de leur contexte de vie : la colère, la révolte, la tristesse, l’injustice, la culpabilité, la honte, la blessure narcissique, le rejet, le déni, la peur… Certains sentiments peuvent perdurer toute leur vie durant.

Mais ce sombre tableau ne doit pas nous faire occulter d’autres sentiments qui peuvent coexister lors de l’annonce : l’empathie et l’amour.

De même, il ne faut pas perdre de vue que ces sentiments s’adressent non pas à l’enfant, mais bien au fait de la déficience et de ses handicaps.

Devant cet obstacle qui se dresse dans leur vie, des doutes sur leurs propres capacités, mais aussi le découragement et la dépression peuvent apparaitre. Face aux émotions, certaines personnes peuvent présenter des stratégies de défense : le besoin de réparation, d’expiation, de surprotection, de projection. L’annonce peut par exemple générer une réaction subjective vis-à-vis du professionnel : quelle que soit la manière dont sera annoncé le diagnostic, celui qui apporte la mauvaise nouvelle sera souvent pris comme bouc émissaire. ll endosse le rôle de ľoiseau de mauvais augure et peut alors, par projection, focaliser sur lui la colère de la personne et de ses proches. Ainsi, certains parents en voudront ce mauvais  » médecin » et préféreront s’adresser à un autre professionnel qui prendra à leurs yeux, le rôle du « bon » médecin, celui qui soigne et à accompagne.

J'allais être I'homme le plus heureux du monde, avec le plus beau bébé du monde et je me suis retrouvé sur un ring, le médecin avait des gants en face de moi. Il a frappé J'étals K.O., en sang, en sueur. Quand j'ai repris mes esprits, Pierre criait.

Un papa

Il n'y a rien à faire c'est ça le plus dur. On ne sait pas contre quoi se battre. On ne se bat pas armes égales. Parce qu'on ne peut lutter contre le handicap, il faut l'accepter. Je ne l'ai pas accepté parce que je trouvais cela tout à fait injuste.

Un parent

Je crois que pour annoncer une mauvaise nouvelle comme on dit, il est important de pouvoir assumer ta continuité d'une relation, c'est-à-dire : ' Je vous dis quelque chose qui ne va pas nous séparer et tuer ta relation que nous avons '.[.] ' Je vous annonce quelque chose qui va vous décevoir, vous attrister, vous mettre en colère', C'est O.K., comme dit un de mes collègues canadiens : 'Vous avez le droit d'avoir des émotions, vous avez même le droit de m'en vouloir temporairement, de vous assommer comme ça. Je suis là et je reste là pour être avec vous dans ce moment '. C'est facile à dire, très difficile à faire certainement.

Dr Thierry Servillat, Psychiatre-Psychothérapeute

J'ai souvent remarqué des éléments de culpabilité dans le discours parental (particulièrement chez la maman): « Qu'ai-je bien pu faire pour avoir un tel malheur ? J'étais trop âgée. J'ai refusé l'amniocentèse, ça devait m'arriver ». ll faut alors reprendre objectivement les éléments, mais cela nécessite un long accompagnement psychologique. Dr D.

Dr D.

Déshumanisation de l'enfant

Comme évoqué précédemment, le risque est grand que les parents ne voient plus que le handicap de leur enfant, et qu’ainsi ils réduisent les perspectives de leur enfant et par là mème, ses capacités à s’épanouir L’attitude du professionnel au moment de l’annonce sera en ce sens déterminante (choix de la présence ou non de l’enfant, le fait de s’adresser à lui-même si c’est un nourrisson).

La mobilisation des forces, des ressources familiales

Si les nombreuses réactions émotionnelles font partie des aspects douloureux de l’annonce, de considérables ressources présentes tant chez le patient que chez ses parents, peuvent aussi se révéler à cette occasion.

Certains parleront du processus de deuil, d’autres de résilience, ou d’une réorganisation psychique ou familiale.

Ces ressources se manifesteront par la capacité de chacun et de son entourage à pouvoir faire face et à surmonter l’épreuve. lls seront parfois eux-mêmes étonnés de cette faculté dont ils ne se pensaient pas capables Cette mobilisation s’inscrira dans le temps, de manière extrêmement variable selon la personne, sa famille et son environnement et ne sera pas nécessairement acquise de manière définitive non plus. Tous les écrits sur le sujet s’accordent pour dire que ces capacités de traversée, de rebondir seront grandement facilitées par les facteurs environnementaux, dont particulièrement les aides proposées et les personnes de confiance qui renforceront le patient et sa famille dans leurs compétences

Tant que nous avons vécu notre fille comme amputée de l'intelligence, comme la victime d'une monstrueuse injustice, non seulement nous ne l'avons pas reconnue dans sa vérité à elle, mais nous l'avons empêchée de se reconnaitre elle-même de la façon qui lui est propre, d'épanouir toutes les possibilités que porte en elle une personne handicapée.

Un parent

Nous avons ‘résisté', car le médecin a pu nous parier d'un futur, dire qu'il nous accompagnerait. Par son attitude ferme et calme, nous sentions partie prenante dans la terrible épreuve qui nous terrassait. Nous n'étions pas seuls.

Un parent

Ce qui est très difficile pour le soignant, c'est de voir après plusieurs entretiens, le couple continue réagir de façon très différente vis-à-vis du né et émettre des opinions tout à fait divergentes quant à l'accueil ultérieur de l'enfant. La charge émotionnelle est très forte. Une prise en charge multidisciplinaire est plus que jamais indispensable dans ce moments. Quand le diagnostic a été posé, il a fallu ensuite informer les proches, les amis, et faire face à leur maladresse. Certains sont venus "voir" au début mais une grande majorité a disparu de notre environnement.

Un parent

Quelles seront les conséquences pratiques de cette déficience dans la vie du patient et de sa famille ?

L’annonce d’un diagnostic de déficience peut entraîner de nombreuses conséquences sociales et provoquer une quantité d’obstacles et de changements radicaux dans la vie du patient et de sa famille :

La restructuration/l’adaptation de la vie familiale, du lieu, voire le déménagement pour pouvoir accueillir l’enfant ou pour se rapprocher d’un centre éducatif, de soins ou de vie adapté.

L’adaptation des projets de vie (voyages, un nouvel enfant etc.).

Le dialogue dans le couple, avec pour conséquence la consolidation des liens ou au contraire de grosses difficultés. Il est très fréquent à ce propos d’observer des réactions différentes de la part des deux parents.

L’absence de soutien des proches et des amis, la difficulté d’en parler.

Le malaise (parfois réciproque) dans les relations avec l’extérieur, la confrontation au regard de l’autre dans les lieux publics, à son incompréhension, avec pour conséquence l’isolement et le repli familial.

La place de la fratrie (le vécu par rapport à l’annonce, la place du frère ou de la sœur déficiente, le manque de répit et de moments accordés à la fratrie les moqueries à l’école..).

L’aspect financier, lié au coût de certaines thérapies peu ou pas remboursées, ou lié à la perte forcée de son emploi, incompatible avec le temps nécessaire à l’accompagnement de l’enfant dans les processus thérapeutiques et éducatifs. (Ce que l’on appelle la situation « d’aidant proche »).

L’absence ou les rares possibilités de répit

La recherche d’une structure (scolaire ou de vie) adaptée à l’enfant.

L’inquiétude face à la perspective de « l’après eux » (possibilités d’accueil décent et adapté à l’enfant devenu adulte).

Réfléchir ne préalable aux conséquences du diagnostic tant pour le patient que pour ses proches, peut permettre de mieux appréhender les enjeux auxquels ils seront confrontés.

Quel accompagnement pourrais-je proposer au patient et à sa famille ?

Le chapitre précédent a montré combien la déficience est susceptible de générer de nombreuses situations de handicap dans la vie quotidienne du patient et de sa famille. L’évaluation de ces questions vous permettra de réfléchir à ce qui peut leur être proposé afin de réduire au mieux les handicaps et souffrances morales.

Préparer l’annonce en se renseignant sur toutes les possibilités d’accompagnement et d’aide au patient et à sa famille constitue, une fois encore, une étape essentielle. Cela va par exemple, de l’information sur l’existence de matériels adaptés, à l’orientation vers un centre de référence, un service d’aide précoce ou d’accompagnement, un service social, un soutien psychologique, un service de répit, une association.

De même, si à défaut d’un traitement possible, votre rôle s’arrête après l’annonce, penser à leur communiquer ces relais permettra au patient et à sa famille de ne pas rester seuls face à la déficience et au handicap.

Dans cette première partie intitulée Avant rencontre nous avons vu que la prise en compte des comportements et des réactions auxquels on pourrait s’attendre de la part du patient et de sa famille de même que les vôtres, peuvent avoir une incidence sur la manière, dont se passera l’annonce.

Quels que soient les déficiences ou les handicaps, chacun réagira selon des caractéristiques propres, en fonction de son vécu.

Nous avons souligné aussi que la qualité de l’accompagnement qui sera proposé pourra aider le patient et sa famille dans leur faculté à faire face ou non – cette nouvelle réalité.

Si seulement nous avions pu avoir un soutien au moment du diagnostic, peut-être que mon frère aurait été accepté pour ce qu'il est et pas pour ce que mon père voulait qu'il soit.

Alice, 38 ans

Moi, je trouve qu'il faudrait quand même qu'il y ait un suivi quand on vous annonce que votre enfant a un handicap, qu'on ait un peu d'indices sur ce que l'on peut faire avec son enfant. Parce que nous, on nous a donné un : 'Non, débrouillez-vous`. On nous a dit `Ça s'est fait comme ça au niveau génétique', mais on ne nous a pas dit si Lena marchera. Par contre, on nous a dit qu'elle ne parlerait pas

Anne-Laure G., maman
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